Acrostiche de vie

Auparavant, les ténèbres, le néant,
Nuit sans lune... Et pourtant,
Né à nouveau, sous une douce étoile,
Enfant aveuglé, il déchira le voile.

Pur et charmant, il se présente à nous,
À ses pieds, sourient servantes à genoux;
Onirique douceur de sa candeur feinte.
Le seul joyau qu'il possède, c'est sa belle teinte;
À son sourire, la plus fière des Dames ne peut résister.

Jeune juge de nos actes dépravés,
Ultime répit des âmes ignorantes,
Le petit homme maintenant s'est levé.
Il contemple le monde avec attente,
Et s'interroge sur son humaine beauté.

Souillé par des attitudes sans romance,
Orné par de tumultueux rêves lunaires,
Ne connaissant pas les rites protocolaires,
Il nous invite avec lui dans sa danse.
À la joie dans nos yeux, il nous prie de l'imiter.

Tandis que le crépuscule des dieux,
Arrive sur sa poitrine dorée,
Tirant les ombres jusqu'à les déchirer,
Alerte, il s'élance vers les cieux.
Nuit sans peur... Et pourtant,
Il n'est pas naïf, ni garnement,
Aveugle, il ne voit pas le mal.

L'eau ne s'agrippe pas sur sa peau,
Yole il emprunte pour sa première quête,
Dans les ruisseaux il se sent beau,
Il ne voit pas les récifs fatals,
Et remplit les lieux d'un besoin de fête.

Curieux, il se contente d'être intelligent,
Anxiété qui le ronge le rend hésitant.
Très sensible, il aime à bien s'entourer,
Haussant le ton pour les gens trop sûrs de soi.
Émotif et nerveux, il répond sans regret,
Regardant avec la fierté et le dédain d'un roi,
Imitant en secret les faiblesses d'une reine.
Ne croyez pas que son charme lui fait connaître le succès,
En pleurs, dans la douleur, il a grand peine.

Nature de l'homme il aperçoit,
Alarmé, nos rites il esquive,
Tâtant la vertu comme de la soie,
Hypnotisé par sa pureté si vive.
À la découverte du monde il part,
L'esprit léger comme une plume.
Il découvre moult us et coutumes,
Et l'Amour, transpercé par ce dard.

Silences de mort,
Ou éclat de vie ?
Pour elle, il serait fort,
Hymne à l'Amour, au réconfort,
Insouciant, il avait tort.
Elle n'était pas pour lui.

Elle lui semblait divine,
Sevrée dans les bras d'un ange,
Transformant en absinthe toute fange.
Elle serait son ultime ardeur,
Le baume curatif de ses pleurs,
Le joyau de ses mains si fines,
Elle serait sa douce promise.

Marri par son indifférence,
Abandonnant toute espérance,
Rejetant tous ses avantages,
Il ne souhaita plus de partage,
Elle ne voyait pas comme il l'aimait.

Aveuglé, ses paupières closes,
Une ombre de chagrin vite chassée.
Devant elle, il ne voulait que roses,
Rouges comme les rubis de femme,
Embrasées comme un coeur qui ose,
Yeux de braise éternellement de flamme.

Complètement épris, fou d'elle,
Amour qui lui donnait des ailes;
Rencontrant ses rivaux fortunés,
Ombre à son bonheur ainsi imaginé,
La jalousie s'installa en lui.
Il irradia un instant le maléfice,
Noyau de corruption, pour le plaisir du vice.
Et les ténèbres se refermèrent à jamais.

Noblesse il perdit d'abord,
Aveuglé, il n'en remarqua rien,
Traîné par delà le voile du bien.
Attaché à garder son seul trésor,
C'est toute sa rage qu'il déversa,
Hurlant comme le tonnerre et son héraut,
Armant son bras dans de tristes soubresauts.

Parcourant les plaines peuplées et prospères,
Amenant sur son passage épique les guerres,
Mort s'éleva comme un souffle noir et putride.
Elle avait fui, terrorisée par son aspirant;
Le coeur qu'elle avait habité était bien vide,
À la place, reposait un chrysanthème se fanant.

Bannissant les derniers pétales de son coeur,
Elle n'était plus rien pour lui.
Regagnant un comportement humain sur l'heure,
En regardant d'autres femmes, il fut séduit.
Ne songeant qu'à retrouver le bonheur perdu,
Gai, il s'y lança tête baissée comme un éperdu,
Essuyant néanmoins d'outrecuidants échecs.
Glacé, de sa raison il fit une hypothèque,
Et le coeur de femmes fort éprises il brisa.

De ses aventures, les bardes voulurent conter,
Acrostiches sur sa vie et ses amours ratées;
Pour ces femmes victimes, leurs noms associer,
Honneur afin qu'elles ne fussent pas oubliées.
N'écoutant pas le bruit du peuple, il était seul.
Elle n'avait jamais cessé de le hanter,
Elle ne l'avait jamais intérieurement quitté.

La fin de sa vie enfin approche,
Aveugle, il ne voit pas la mort venir;
Univers sadique envoie la mort qui fauche,
Ruminant dans l'attente de son dernier soupir.
Elle n'est toujours pas à ses côtés,
Ne sachant pas qu'elle emplit son coeur à nouveau;
Certain de son Amour, il apaise son âme lourde,
Et s'endort sur cette absolution; il sera beau.

La mort vint dans la nuit décapiter son homme,
Emportant ce corps dévasté par la nature humaine.
Amer goût de la passion, mais point de haine.

Alors sonnèrent les cloches du paradis
Guerrier de nouveau ramené à la vie,
À l'appel de sa Dame, la tête relevée,
Tout tremblant encore du merveilleux baiser,
Hélé dans sa tâche par une passion enfin trouvée,
Enfant aveugle mais vivant, il s'est enfin décidé.

Kilomètres, est ce la seule chose qu'il parcourt ?
Abruti par cette course, il n'a pas trouvé l'Amour.
Randonnée infernale qui assombrit ses peintures guerrières.
Il est devenu prince déchu prisonnier de ses prières,
Ne connaissant plus que l'incertitude corrosive,
Et la force d'un espoir maintenant si mince.