[TW racisme, islamophobie, oppressions, violences]
Je n’avais pas eu le temps de rebondir sur pas mal de choses qui ont été dites lorsque le harcèlement violent d’une certaine jeune femme blanche a refait surface. Oui, refait surface, car il a toujours été présent depuis qu’elle s’est exposée sur internet en tenant des propos islamophobes, et c’est quelque chose, d’après moi, qu’il faut reconnaître. Le harcèlement n’est ni un quelque chose qui devrait être applaudi, ni être acceptable. Ce n’est pas une question de mérite ou de punition, c’est inacceptable. Encore plus quand c’est un moyen de diffuser de la misogynie bien violente.
Et bien que l’on puisse être contre le harcèlement et/ou la misogynie, on ne peut pas non plus être pour le fait de nourrir des oppressions en utilisant comme prétexte la “liberté d’expression”. Je mets ces termes, “liberté d’expression”, entre guillemets, car cette liberté en réalité ne compte que lorsqu’il s’agit de perpétuer les violences sur les minorités, et en les légitimant notamment à travers des propos haineux et méprisants dans un climat socio-politique où les mêmes groupes oppressés sont souvent les premières cibles dans les médias et autres mesures gouvernementales et institutionnelles.
On ne peut pas non plus être pour que l’on utilise des arguments contre “la religion” pour légitimer des propos pareils ou utiliser les luttes. Vous vous en foutez peut-être, mais il n’y a pas pire insulte et dégueulasserie que de voir que des années de réflexions et de combat soient utilisées pour justifier et excuser des choses pareilles.
Remettons certaines choses au clair avant d’expliciter ce qui me semble être un des fonds du problème.
Dire la religion a autant de signification que la femme. Il faut arrêter de constamment dire cela pour parler de religions en particulier. Peut-être que cela échappe à certaines personnes, mais il y a bien des religions qui existent qui ne sont ni forcément monothéistes, ni forcément abrahamiques. Donc dire “la religion, c’est violent, c’est le mal, c’est le patriarcat” c’est juste mettre toutes les religions au même niveau alors qu’il y en a dans toutes les cultures et qu’elles n’existent pas toutes dans une société patriarcale. Elles n’ont pas non plus les mêmes dynamiques ou enjeux de pouvoir, même entre deux religions abrahamiques par exemple.
Certes, je chipote peut-être un peu sur les mots, mais cet abus de langage nourrit les mêmes stéréotypes sur les religions, à savoir qu’elles se ressemblent toutes et qu’elles sont soi-disant la cause de massacres. Ce n’est pas entièrement faux, surtout pour certaines, pour autant réduire toutes les religions, voire toutes les croyances, à cela et prétendre que toute religion n’est que source de violence et de destruction, c’est prouver qu’il y a non seulement une profonde méconnaissance sur le sujet, mais également une simplification, parfois très malhonnête, de l’Histoire.
On peut être contre toute forme de dogmatisme sans mépriser les personnes croyantes, des croyances ou des religions. On peut croire, être dans une religion et lutter contre certaines formes de pouvoir. Les personnes qui diront le contraire ne connaissent généralement rien aux luttes qui peuvent exister dans les communautés religieuses, et encore moins les enjeux qui existent réellement dans ces dernières. Et d’une religion à une autre ce ne sont pas les mêmes débats et réflexions qui se posent, puisqu’en fonction de la société où on vit chaque religion n’a pas la même place du tout. Il serait temps que les gens prennent conscience de ça.
Ce n’est pas un sujet simple, c’est sûr. On peut comprendre que ce soit plus facile de simplifier, toutefois cette simplification a des conséquences qui sont néfastes la plupart du temps : perpétuer des violences en se complaisant dans l’ignorance et les clichés par exemple. Cela ne promet rien de bon comme on peut s’en douter, encore moins pour les personnes qui sont ciblées.
Personnellement je suis musulmane, queer et féministe. Mes croyances ne m’empêchent pas de m’épanouir ou de réfléchir, c’est le cadre familial et social qui m’oppresse. Et mes positions politiques, mon intérêt pour les sciences, ainsi que les luttes que je mène, ne m’empêchent ni de croire en Allah, ni de croire aux lutins.
Abordons le vif du sujet à présent : les propos islamophobes qui ont été tenus et le fameux droit au blasphème.
Cette jeune femme qui a diffusé son discours islamophobe a été très soutenue par beaucoup de personnes se situant politiquement à Droite, voire chez l’Extrême Droite. Mais aussi par des personnes de Gauche. Ce qu’elle disait, de mémoire, la première fois qu’elle a parlé publiquement de l’Islam en étant relayée massivement, c’était qu’il s’agissait d’une “religion de haine et de violence” (entre autre). Suite à cela elle s’est faite et se fait probablement encore harceler aujourd’hui pour avoir tenu ce genre de propos.
Au-delà du fait que le harcèlement soit inacceptable, des débats ont ressurgi autour de la liberté d’expression et du blasphème.
Le blasphème, d’après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, a pour définition : Parole, discours outrageant à l’égard de la divinité, de la religion, de tout ce qui est considéré comme sacré.
Des personnes la soutenant revendiquaient/revendiquent, en l’imitant, le droit au blasphème. En soi, blasphémer n’est pas un souci. Sauf que si on recontextualise : ces propos islamophobes ont été tenus et défendus dans une société profondément raciste et, je vous le donne en mille : islamophobe aussi. Société où les personnes portant le hijab et/ou le burkini sont pointées du doigt chaque année sur les plateaux télés. Même en hiver, des personnes ni musulmanes ni concernées ont fait des débats sur comment les personnes musulmanes doivent se vêtir ou non en évoquant la laïcité de manière assez malhonnête. Chaque fois qu’une personne identifiée comme musulmane fait quelque chose d’affreux, on demande des excuses de la part de toute la communauté religieuse. On vit dans un pays où on utilise les combats féministes pour légitimer les discours islamophobes et “libérer les femmes musulmanes” qui reçoivent des leçons, même dans les communautés féministes de gauche, sur comment lutter. On vit dans un pays où on associe Islam et terrorisme.
Je pourrai continuer la liste encore longtemps.
Il est là un des cœurs du problème concernant cette affaire : le fait d’évoquer le droit au blasphème que quand (ou alors quand très souvent) ça ouvre la porte au renforcement des oppressions qui visent les personnes musulmanes, et à légitimer des propos haineux dignes de l’Extrême Droite.
Blasphémer, c’est ok, mais si revendiquer ce droit sert à légitimer des violences et des oppressions, c’est juste non. Et faire partie de groupes marginalisés ou oppressés n’est en aucun cas un passe-droit pour pouvoir cracher son islamophobie.
Il est temps de tenir compte de tout ce que ce genre de discours implique dans ce contexte que j’ai décrit brièvement plus haut. Il est temps aussi de se poser les bonnes questions concernant nos luttes pour nos libertés. On peut penser que “les religions, c’est de la merde”, sans se comporter comme une véritable ordure et traiter les personnes croyantes avec condescendance et mépris. On peut croire et lutter, comme on peut croire et ne pas traiter les personnes athées ou inconnues des religions comme des ignares qui n’ont rien compris à la vie.
Et il serait temps aussi d’arrêter de faire des généralités autour des religions quand vous connaissez que le Christianisme, l’Islam et le Judaïsme. Renseignez-vous avant de dire de la merde. De plus, une religion, c’est rarement juste un livre quand y en a un.
À bientôt.
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